Le hêtre, hôte majestueux des forêts

Puissant et noble, le hêtre au grand fût grisâtre façonne nos forêts en véritables cathédrales. Essence majeure en sylviculture, son bois clair et dur a d’innombrables usages.

Le hêtre a donné son nom à la famille des Fagacées à laquelle appartiennent aussi le chêne et le châtaignier. On dénombre sept espèces de hêtres en Asie, une en Amérique et deux en Europe. Le hêtre d’Orient Fagus orientalis est implanté à l’extrême ouest de de l’Europe et jusqu’au Caucase d’où il est originaire.

Avec ses feuilles plus petites, notre hêtre commun Fagus sylvatica se cantonne à l’Europe occidentale et centrale. Il apprécie les régions tempérées avec une bonne humidité atmosphérique. Il redoute les fortes chaleurs, les longues périodes de sécheresse et les gelées printanières.

Voici un arbre typique des plaines que l’on rencontre pourtant en montagne dans les Vosges, le Jura, les Alpes et jusqu’à 1 800 m d’altitude dans les Pyrénées. C’est le dernier feuillu d’altitude à laisser la place aux étages supérieurs aux conifères plus rustiques.

Avec ses 25 à 30 m de haut en moyenne, c’est un des plus grands arbres de nos forêts ? Nombre de sujets dépassent 300 ans avec des troncs de plus de 2 m de diamètre et ce malgré un enracinement peu profond. Si les grandes hêtraies nous donnent l’impression de véritables cathédrales de troncs aux branches dressées, les hêtres des taillis-sous-futaie affichent un tronc deux fois plus court surmonté de branches horizontales formant un houppier très étalé.

Une farouche concurrence

Dans les hêtraies mixtes, on trouve le hêtre associé selon les régions au chêne, au tilleul, au charme, à l’érable sycomore, à l’alisier mais aussi au sapin. Il faut dire que le hêtre s’accommode de divers types de sols calcaires, argileux, marneux, limoneux ou granitiques pourvu qu’ils soient suffisamment drainés. Sous le couvert dense d’une hêtraie pure qui compte généralement plus d’une centaine d’arbres à l’hectare, les arbustes de sous-bois n’ont pourtant aucune chance de survie. C’est ce qui donne cet aspect particulier aux grandes plantations où l’on aime se promener librement, sous une lumière très tamisée, en foulant un épais tapis de feuilles sans jamais rencontrer le moindre obstacle.

Pour s’établir, le hêtre profite d’une terre enrichie en humus par des essences pionnières comme le bouleau ou le mélèze avec lesquels il entre en compétition. Une fois installé, il étend peu à peu son territoire grâce à ses innombrables graines qu’il produit dès l’âge de 40 ans. La tolérance exceptionnelle à une faible luminosité en fait un terrible concurrent pour le chêne des forêts où l’homme n’intervient pas.

Chaque printemps qui suit une belle production de faines, généralement tous les 4 à 6 ans, plus de mille plantules s’épanouissent au pied de chaque arbre adulte. Avant l’été, la plupart seront déjà morts par manque cruel de lumière. Si le pied-mère est abattu par une tempête ou tronçonné par l’homme, la descendance sera assurée. Rien d’étonnant à ce que, dès l’Antiquité, le hêtre soit associé à une déesse mère comme Héra chez les Grecs ou Junon chez les Romains.

Des utilisations valorisantes

En ancien scandinave « hêtre » se dit boêki d’où dérivent les noms anglais book et français bouquin. Ceci en dit long sur l’usage de l’écorce du hêtre pour l’écriture runique des peuples du nord de l’Europe dès le IIIe siècle. Si le cambium est comestible, toute l’écorce a des propriétés fébrifuges et astringentes. La tisane d’écorce ou quinquina des pauvres était connue pour éloigner les fièvres et redonner le tonus.

Contre la tuberculose et les infections pulmonaires, on distille le bois pour obtenir la fameuse créosote de hêtre qui sert aussi à traiter les traverses de chemin de fer. En Scandinavie, on a même fait du pain avec de la sciure bouillie. Mieux vaut aujourd’hui consommer les feuilles tendres en salades et les faines grillées en apéritif.

Le hêtre donne un excellent bois de chauffage et du bon charbon de bois. Sa cendre riche en potasse fut longtemps utilisée pour la verrerie et la fabrication du savon. Le bois blanc à rougeâtre, lourd et dur, utilisé en charronage a aussi servi à fabriquer les premières hélices d’avion et les fameuses chaises de bistrot aux éléments pliés à chaud. Outre les sabots, les jouets et les objets ménagers, le bois de hêtre facile à dérouler se prête au placage pour meubles et parquets. Toujours apprécié en ameublement et en menuiserie, le hêtre entre aussi dans la fabrication de la cellulose et de la pâte à papier.